Le 28 août dernier, on célébrait le 50ème anniversaire du fameux discours de Martin Luther King « I have a dream ». A part si vous vivez sur autre planète ou que vous êtes partis en vacances au Groenland, vous n’avez pas pu louper ça. Ce fait historique est l’occasion d’aborder l’un des films les plus brillants jamais réalisés sur les combats pour l’égalité des droits aux Etats-Unis. Si on omet l’assez bon Malcolm X de Spike Lee, il s’agit d’un sujet étrangement peu traité sur grand écran.
Mississippi Burning s’ouvre sur le meurtre de 2 noirs et d’un activiste blanc dans un petit bled du Mississippi (on vous spoile l’histoire dès le titre) en 1964. L’esclavage a été aboli un siècle plus tôt et le gouvernement fédéral américain a interdit toute forme de ségrégation. Mais les Etats de bouseux du Sud ne l’entendent pas de cette oreille, et tout individu n’appartenant pas à la catégorie des Wasps est systématiquement discriminé : les Juifs, les Catholiques, les Asiatiques et bien évidement les Noirs.
Ayant conscience de l’enjeu que revêtent le meurtre et ses conséquences, le FBI dépêche 2 agents aux méthodes très divergentes. Alors que le plus jeune est un beau premier de la classe, porté par son idéalisme et son professionnalisme très nordiste, le second, originaire du Sud et bien plus vieux, sait où il met les pieds et n’hésite pas à employer la manière forte (en gros il met des tartes). Très vite, ce qui devait être une banale enquête devient une guerre de tranchée entre les agents fédéraux et les autorités locales, étrangement soucieuses des questions posées.
Allan Parker s’est employé à dresser un portrait sans concession de cette période et desdits Etats du Sud. La réalisation est très sombre, les symboles religieux omniprésents et le feu irrigue le film. Contrairement, à ce qu’on pourrait craindre, point de manichéisme (ce n’est pas tout noir ou tout blanc – notons la qualité de cette blague). Le récit s’englue volontairement dans une forme de pessimisme terrifiant pour donner de la force au propos. La musique, l’ambiance, les personnages sont oppressants, détestables ou admirables, mais jamais neutres.
Le réalisateur de Midnight Express a souhaité s’écarter de l’image très idéalisée que l’on peut avoir du combat pour l’égalité des droits. Pas de beaux discours à Washington ou de manifeste pour la non-violence, c’est une bataille sale qui se déroule sous nos yeux : à la prétendue légitimité des lois qu’écrivent eux-mêmes les Sudistes, répondent des méthodes fédérales plus que douteuses, Plus intéressant encore, les deux compères du Bureau semblent plus agir par professionnalisme que par conviction.
Willem Dafoe est extraordinaire en enquêteur consciencieux et poli, alors que dans son dos Papy Hackman hurle a tout va et tabasse du redneck sans se ménager. Coté « méchants », que du bon : des acteurs peu connus mais incroyablement détestables et ambigus. Le non-dit est omniprésent, et la tension ne redescend jamais avant le dénouement (pas question d’aller pisser).
Le récit est tiré d’une histoire vraie et, aux dires des spécialistes de cette période (Vous faites quoi dans la vie ? – Je suis historien de la ségrégation raciale), assez fidèle à la réalité. A l’aide d’une réalisation nerveuse, Mississippi Burning réussit là où beaucoup d’autres films ont échoué avant ou après en se contentant de soutenir que « le racisme c’est mal ». Mais beaucoup plus que cela, il donne une signification concrète aux discours des leaders noirs de l’époque et aborde de front, sans demi-mesure, du droit le plus fondamental, celui qui fait de nous des hommes : la justice.