Adapter un film en série TV. Le phénomène est assez courant dans le cas de programmes familiaux/grand public (Star Wars, Stargate, etc.) afin d’exploiter des licences qui ont bien marché sur grand écran et vendre du produit dérivé à gogo. Mais lorsqu’on a vu apparaître Fargo dans les grilles TV américaines (produite par FX), on a commencé à s’interroger sur la légitimité du projet. Comment exploiter un récit ultra-court -1h37- qui traite d’un fait divers glacial et n’ouvre pas la possibilité d’un spin-off (prendre un personnage secondaire et construire une histoire autour de lui) ? En adoptant le même ton, des personnages similaires et les ficelles si spécifiques du film des frères Coen.
Parlons-en d’ailleurs de ceux-là. On ne les retrouve plus derrière la caméra mais comme conseillers juridiques (executive producers). Et ce qui saute aux yeux immédiatement, c’est que leur style est omniprésent. Le créateur de la série, Noah Hawley, probablement désireux de ne pas décevoir les fans fait constamment appel aux codes du film éponyme.
Est-ce à dire qu’il raconte la même chose? Oui et non. Lester Nygaard (Martin « Bilbo » Freeman) est un petit courtier en assurance, plutôt looser, dont l’occupation principale est de se faire rabaisser par son beau gosse de frère et son idiote de femme. Après avoir pris un marron par son ancien bourreau du collège, il termine aux urgences et tombe sur Lorne Malvo – profession: tueur à gage – signe caractéristique: coupe à frange -interprète: Billy Bob Thornton. Un peu à cran, il lui raconte ses malheurs, pensant trouver un confident d’un soir. Sauf que l’autre psychopathe prend tout comptant et ça part en couille; c’est le commencement de l’hiver sanglant.
Début un jeu à trois bandes avec nos 2 compères et l’agent Solverson, une jeune flic pétrie de bonnes intentions et qui saisit rapidement que la multiplication des meurtres dans le comté de Bemidji n’est pas une coïncidence.
On reconnaît quelques archétypes issus du film: le pauvre mec, vite dépassé par les évènements, les tueurs, la policière… Mais les similitudes ne s’arrêtent pas là. Pêle-mêle: le thème musical, certains plans (dont la reprise de la fameuse scène d’ouverture), des personnages très ancrés dans le réel et pourtant très loufoques, les noms des protagonistes, le Dakota du Nord/le Minnesota, et surtout le même postulat de départ: les faits sont réels. On prétend nous dépeindre une histoire vraie et c’est à nous d’évaluer la démarche.
La série est en vérité une suite au film (on vous laisse découvrir par quel biais) et s’il n’est absolument pas nécessaire d’avoir vu ce dernier pour comprendre le récit, quelques connexions subtiles se dessinent entre 1987 et 2006 (dates respectives des histoires). Au-delà de s’amuser à trouver les similitudes entre l’original et son dérivé, on plonge rapidement dans cette histoire rocambolesque et on accroche : le côté « grand n’importe quoi » empêche de deviner la fin du récit.
La démarche initiale laissait craindre le pire : se servir d’un monument du cinéma (tout un tas de prix et de nominations, Top 100 AFI…) et d’en faire un produit calibré pour la TV. Mais ça marche. En collant de très près au ton et aux artifices initiaux, les réalisateurs s’en sortent avec brio.
La série finit même par combler une certaine frustration apparue en 1996 lorsque 97 minutes avaient prétendu faire le tour de la question. En définitif, une vraie belle surprise, une série qui accroche et un hommage vibrant aux meilleurs réalisateurs indépendants de ces 20 dernières années. Que d’autres producteurs TV s’en inspirent car on dit mille fois « oui » à une telle démarche.