« Nants ingonyama bagithi Baba [Voici que vient un Lion, Père] » Sans même comprendre un mot de swahili, tout un chacun a en tête ce cri, ces premières notes qui ouvrent LE film d’animation des années 90. Vingt ans déjà que la clique Disney, Elton John et la ribambelle de stars au doublage nous ont plongé dans les grandes steppes d’Afrique à la rencontre de Simba.
Premier film Disney à ne mettre en scène que des animaux et 32ème « classique » du studio américain, l’adaptation officieuse du shōnen manga d’Osamu Tezuka Le Roi Léo (1950) n’était qu’un second choix pour la direction de Burbank. C’était Pocahontas, sorti un an plus tard, qui devait concentrer les efforts financiers et techniques entre 1993 et 1995. Néanmoins, la team 2 de Disney s’est employée à proposer une œuvre la plus aboutie possible. Très grosse surprise à la clé et plébiscite du public. Le Roi Lion reste encore aujourd’hui le 2ème plus gros succès d’animation en salle derrière Le Monde de Némo.
Pourquoi cette réussite alors ? Pourquoi ce sentiment que les aventures de Simba sont à part dans la grande histoire de l’animation ? Tout d’abord, c’est une histoire d’attente et de timing. 2 ans ½ qu’Aladdin était sorti et le public s’était habitué à la cadence d’un film Disney par an depuis le milieu des années 80. Et puis le Roi Lion est un film générationnel, une œuvre sortie sur les écrans et en VHS à l’aune d’une génération qui a vu se démocratiser les moyens d’accès à toutes sortes de films : la fin d’une époque, celle des dessins animés uniquement visionnés en salle.
Aussi une impression étrange: depuis Le livre de la jungle en 1967, les Disney avaient tous évolué dans des environnements familiers ou du moins, que nous semblions connaître. Désireux de proposer une œuvre immersive, cohérente dans un univers aussi inconnu que la savane africaine, les équipes du film décidèrent de se rendre en Tanzanie et au Kenya en 1992 pour observer, comprendre et croquer les animaux.
Dés les premiers instants, on est frappé par la finesse du trait, la beauté des couleurs et la force de ce qui se déroule. L’ouverture la plus impressionnante de l’histoire du cinéma (oui, oui!) veut témoigner de ce sentiment épique. Ici, rien de bien républicain. C’est plutôt une chronique des Anciens Rois, une lutte des Puissants entre eux, une bataille où noblesse et trahison se répondent. Le lion est magnifié au détriment de ses congénères pour construire la figure d’un roi bon, majestueux et juste.
A posteriori, on voit toute la force de la réalisation et de cette alchimie si particulière. Des voix mythiques en anglais (Matthew Broderick, James Earl Jones, Jeremy Irons, Rowan Aktinson, Whoopi Goldberg) et en français (Jean Reno, Jean Piat). Une collaboration inédite entre Sir Elton John et Hans Zimmer. Tout une ribambelle de prix (Golden Globes, Oscars). Et puis le mythique Hakuna Matata, allocution très usitée en Afrique, sans qui nos 2 compères comiques, Timon et Pumba, n’auraient pas acquis ce statut de personnages cultes.
Et donc les personnages. Scar, en méchant diabolique, Mufasa, en patriarche bienveillant ou Rafiki, en vieux sage loufoque structurent le récit de manière audacieuse. On est pris par le rire, l’émotion, la tendresse ou la colère pour les protagonistes et le récit ne soufre d’aucun temps mort (fait très rare dans un Disney).
Le Roi Lion se construit comme un chef d’œuvre cohérent dans sa narration tout en étant irrationnel dans l’émotion qui s’en dégage. Un moment indépassable, pour petits et grands, dont la noblesse du propos n’a d’égale que la beauté du dessin. N’ayons pas peur des mots : le plus grand film d’animation de tous les temps.