Années 1820. Amérique du Nord. Le commerce des fourrures est en pleine expansion. Des équipes de trappeurs parcourent les grands espaces du Wyoming et de l’Oregon en quête des précieuses peaux de bêtes. L’un d’entre eux, Hugh Glass, est abandonné à son sort après avoir été attaqué par un ours et mortellement blessé. Mais il renaît, mû par un fort désir de vengeance à l’égard de ses anciens coéquipiers.
Cela faisait bien longtemps que l’on n’avait plus vu les décors de Jack London au cinéma. Aux plaines arides de la Californie et du Texas, avaient du mal à se substituer les étendues magnifiques du Midwest et du Canada dans les films de cow-boys les plus récents. C’était sans compter sur Iñárritu et son goût croissant pour les défis techniques. Après nous avoir émerveillé dans Birdman et avoir claqué quelques Oscars pour sa performance époustouflante, il a décidé de mettre les petits plats dans les grands et de multiplier son budget de travail par 7 !
S’il a choisi d’adapter ce court roman de Michael Punke, tiré de faits réels, c’est parce qu’il y a vu le formidable potentiel visuel qui s’y cachait. Dans les années 1970, 1980 et 1990, il y avait à Hollywood une longue tradition de prises de vue en décors réels et d’intégration des paysages dans l’essence de l’œuvre. Si quelques uns ont su garder ce respect de l’artialisation du naturel (Malick, les frères Coen), beaucoup cèdent aux sirènes de l’imagerie numérique qui rend une image léchée, facile à produire et peu coûteuse.
Mais le réalisateur mexicain s’est mis un très gros caillou dans le pied et en bon masochiste a choisi l’une des régions les plus problématiques du globe pour la lumière naturelle : le Canada. Comment tourner un film sans artifice lumineux dans un pays où la luminosité n’est correcte que quelques heures par jour pendant l’hiver ? La réponse tient dans l’image elle-même : un résultat visuellement délirant qui finit par éclipser l’histoire elle-même.
Car The Revenant est avant tout une œuvre picturale. Et sauvage. Dés les premiers instants, la violence inonde l’écran. Mais c’est une brutalité primaire, naturelle. L’environnement profondément hostile qui entoure les protagonistes finit par déteindre sur eux. Amérindiens, grizzlys, trappeurs concurrents sont autant de menaces et de prétextes à s’emporter dans des accès de fureur salvateurs.
Le salut et la barbarie s’enchevêtrent avec force dans une lutte de tous contre tous, bien arbitrée par des forêts hudsoniennes terriblement prédatrices. Et à la fin, il est un récit vertigineux qui ne s’écrit presque que par la narration visuelle. Leonardo di Caprio, Tom Hardy et Domhnall Gleeson réduisent leurs dialogues à peau de chagrin pour montrer combien ils sont terrassés par la sauvagerie qui les entoure et à quel point leur existence est misérable face aux forces de Mère Nature.
Il y a dans cet ensemble grandiose beaucoup de majesté et un organisme environnemental très fort. C’est une exploration du rapport de l’homme au naturel et à sa propre nature. Le casting brillant, la performance surpuissante de Leo et une imagerie quasi mystique viennent compenser un scénario peut-être un peu léger.
L’on doit donc s’incliner devant une œuvre qui s’est donnée les moyens d’être sublime et qui restera dans l’imaginaire de beaucoup comme un très grand moment de cinéma. Iñárritu laissait l’impression qu’il était en train de changer de dimension. On en a maintenant l’assurance.