James Bond n°24. Le meilleur agent de Sa Majesté est sur le point d’affronter son ennemi le plus terrible, le Spectre, une organisation criminelle aussi dangereuse que démoniaque. Un petit retour aux sources ? Entre 1962 et 1983, Sean Connery et George Lazenby avaient affronté cette puissante machine qui prenait un malin plaisir à échapper à 007 puis renaître de ses cendres, épisode après épisode.
Sauf que cette fois, l’espion se voit retirer son mandat au nom du démantèlement du programme 00. Le MI6 désireux de rentrer dans le XXIème siècle, ne peut plus se permettre les agissements d’un électron libre aussi solitaire, imprévisible, et souhaite faire appel à des technologies de renseignement plus modernes. Mais James n’a pas dit son dernier mot : il va tout casser. Mais toujours avec classe, flegme et humour.

Sam Mendes est de nouveau aux manettes après l’incroyable Skyfall. L’univers James-Bondien avait pris un tournant dans le précédent opus ; le réalisateur britannique ayant tiré les leçons du relatif ratage des deux premières apparitions de Daniel Craig dans le costume de 007. Plus d’humour, de gadgets et une tension dramatique suffisamment bien dosée pour ne pas ruiner le côté divertissement du récit.
Spectre suit le même chemin mais souffre cette fois d’un manque de sérieux. Un comble ! On éprouve toujours le même plaisir coupable à retrouver ces voitures magnifiques, les torrents d’explosions et des actrices fort peu vilaines. Néanmoins, un défaut sape les fondements mêmes du script : à aucun moment, on ne sent Bond vraiment en danger. Il est vrai que le sang froid est une caractéristique essentielle et historique du personnage. Mais quand même, il affronte le Spectre, pas des petits voyous de quartier.

Si le scénario pêche par déficit d’ambition, on se consolera avec nombre d’items toujours bien sentis et qui se posent comme des petits clins d’œil très agréables aux fans de la première heure. Les James Bond girls sont de retour. Après Skyfall et une Bérénice Marlohe, plus plante verte qu’autre chose, dans un récit qui laissait peu la place aux personnages féminins, Monica Bellucci et Léa Seydoux reprennent la main. La première est très vite évacuée : son âge l’éloigne des standards de la série et on sent que Sam Mendes n’est pas très adepte de cette veuve cougar. En revanche, la petite Léa a un vrai rôle de femme forte et réussit assez bien son passage à l’écran, fait rare pour une actrice française dans un film anglo-saxon.
Daniel Craig tient son rang et Christoph Waltz est encore merveilleux de cruauté et de malice. Cependant, Javier « Silva » Bardem inspirait beaucoup plus la crainte en psychopathe queer. L’antagonisme nous laisse un peu sur notre faim tant la naïveté de cet adversaire, présenté comme l’ennemi ultime, est criante.

Comme toujours, on se régale avec les décors. Spectre perpétue une longue tradition de tour-opérateur classieux : Mexique, Italie, Autriche, Maroc et évidement Londres. Des paysages sublimes et quelques très beaux lieux visités : l’ambiance des premières minutes à Mexico est hypnotisante.
Enfin, on se plaît à admirer ce luxe complètement hors de propos : costumes splendides de James, fontaines d’alcools rares et décrochages de mâchoire lorsque paraît la dernière Aston Martin. On sourit toujours autant de voir 007 sauver le monde avec tant d’élégance, quand on s’imagine soi-même courir plus de 3 minutes, sapé en pingouin, sans se casser la gueule.

Les hommages aux précédents épisodes sont légion et les vieux fans que nous sommes apprécient parfois ce modernisme teinté de nostalgie. Car la franchise James Bond est avant tout une formidable machine à rêves. Qui exprime parfois des craintes contemporaines (la peur des « Rouges » autrefois, les dangers des technologies aujourd’hui) mais ne renie jamais sa vocation à nous divertir.
En cela Spectre fait le boulot, avec certes moins de brio et de finesse que son prédécesseur mais avec cette même envie de nous montrer des archétypes très manichéens qui quittent malheureusement trop vite le cinéma contemporain. Aussi détestable, misogyne et dinosaure que puisse être James Bond, il reste un formidable héros dont la mythologie n’a pas encore fini de s’écrire. Pour notre plus grand bonheur…