La Trilogie Star Wars : une oeuvre universelle ?

A long time ago, in a galaxy far far away… L’Empire galactique a étendu son emprise sur la quasi-totalité des planètes civilisées et entretient un climat de terreur. La Rébellion, un modeste groupe d’idéalistes peu armés, tente de mettre fin à cette hégémonie. Luke Skywalker, jeune fermier de la planète Tatooine, se retrouve impliqué dans cette guerre contre les troupes de Dark Vador, qui l’emmènera plus loin qu’il ne l’avait jamais imaginé et lui fera découvrir le pouvoir ultime : la Force. Il sera aidé par le contrebandier Han Solo, la Princesse Leia, ses mentors Obi-Wan Kenobi et Yoda, et quelques créatures/robots atypiques.

En gros, voilà le décor de la trilogie la plus célèbre de l’histoire. Rien de bien original, convenons-en. Des thématiques très « médiévales », des personnages relativement stéréotypés qui remplissent des fonctions bien définies dans l’histoire et une trame qui rappelle les grands récits d’initiation de la mythologie. Ok, donc ils ne se sont pas pétés le bonnet et au final tout le monde aime bien une sorte de consensus molasson ? Et là, on touche peut-être la plus grande prouesse de la Guerre des étoiles : être une œuvre universelle, qui parle à tous et donc plaît au plus grand nombre. Pourquoi ? Comment ?

STAR WARS
Deux soleils ?!? Faut que j’arrête la picole !

Genèse et avènement d’un nouvel univers

Après avoir tourné THX 1138 et American Graffiti, le jeune réalisateur californien George Lucas, décide de s’attaquer à son projet phare : adapter Flash Gordon en film. Mais pour des obscures raisons de droits, il est obligé de se rétracter et décide d’écrire sa propre œuvre de science-fiction. Au milieu des années 1970, la guerre du Vietnam s’est achevée dans un traumatisme profond pour la société américaine. Hollywood est pris d’une profonde mélancolie et des films très réalistes, d’une grande noirceur, inondent les salles obscures. La science-fiction n’est pas à la mode et un récit chevaleresque très manichéen ferait tâche dans ce paysage cinématographique morose. Personne ne croît vraiment aux idées de Lucas.

Mais Alan Ladd, l’un des dirigeants de la 20th Century Fox a perçu le potentiel du projet et convainc son entreprise de le financer. Lucas, de plus en plus confiant dans la solidité de son idée, à mesure que ses ébauches de scénarii se précisent, négocie la production d’une trilogie. En 1976, il lance la réalisation de Star Wars. A l’issue d’un tournage chaotique en Angleterre, aux Etats-Unis et en Tunisie, le film sort sur les écrans en mai 1977.

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C’est l’histoire de deux barbus…

Sauf que le public familial et SF-friendly initialement prévu n’est pas au rendez-vous… c’est un plébiscite global. Tout le monde se rue dans les cinémas pour voir cette œuvre d’un nouveau genre. La critique est dithyrambique, les dollars coulent à flot… Et une nouvelle bataille se profile : Noël 1977. Les enfants complètement subjugués par les aventures de Luke Skywalker et sa bande veulent retrouver leurs personnages préférés sous le sapin. George Lucas, ayant perçu le potentiel commercial des produits dérivés, avait négocié avec la Fox l’intégralité des droits sur ceux-ci, moyennant la cession de son œuvre. Bingo ! Un nouvel empire est né, la franchise la plus rentable de l’histoire.

La suite n’est qu’une très belle histoire pour Lucasfilm. Traumatisé par le tournage en Tunisie de l’épisode IV, Big George décide de confier les deux opus suivants à Irvin Kershner et Richard Marquand. L’Empire contre-attaque sort en salles en 1980 et le Retour du Jedi trois ans plus tard. Producteur et co-scénariste, le Californien conserve un fort contrôle sur les œuvres. Et démontre son incroyable capacité à étendre, enrichir, approfondir son univers.

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Le Muppet Show

Les deux suites proposent des scènes cultes qui marqueront des générations à venir : la rencontre avec Yoda, le combat contre Dark Vador, la carbonisation et la libération de Han Solo, la bataille finale… Fait rare dans une trilogie, les 3 œuvres sont extrêmement homogènes et d’une qualité comparable. Interrogez vos amis et proches sur leur opus préféré et les réponses se répartiront quasi équitablement entre les 3 films.

Une nouvelle manière de faire du cinéma

Steven Spielberg et George Lucas incarnent l’achèvement et le crépuscule du Nouvel Hollywood, un mouvement artistique qui aura redéfini les codes du 7ème art entre la fin des années 1960 et le début des années 1980. Les deux compères font basculer le cinéma américain dans l’ère des blockbusters et des films « optimistes ».

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Le jeu des 7 différences

Lucas est un réalisateur ambitieux mais il a conscience que l’âge d’or d’Hollywood est derrière lui. Les budgets se sont considérablement réduits depuis les années 1950-1960. Et faire un grand divertissement nécessite des fonds… ou des idées. Industrial Light and Magic est née. Une petite équipe d’artisans, aussi givrés que doués vont mettre à l’écran les premières scènes de bataille spatiales. Il s’agit de dépasser l’immense Kubrick et son 2001. Tous les moyens sont bons et cela tourne souvent au bricolage du dimanche.

Lorsque le public découvre le Faucon Millenium, les X-Wing et l’Etoile de la Mort, c’est un choc : tout est extrêmement rapide et immersif. En outre, Lucas a insisté pour que ses vaisseaux et ses décors soient sales, vieillis, abimés pour renforcer la cohérence de son univers. Aujourd’hui les effets spéciaux sont fatigués malgré quelques retouches numériques, mais entre 1977 et 1983, les SFX vont plus progresser qu’à n’importe quelle autre période du cinéma, grâce à la démocratisation du fond vert.

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Ça va barder !

Star Wars casse aussi un code très fort d’Hollywood, le système des stars. A l’exception d’Alec Guiness, il ne fait appel qu’à des (quasi-)inconnus. Mark Hamill, Carrie Fisher et le charpentier Harrison Ford se révèlent dans cette toute nouvelle œuvre. Ce ne sont plus les noms dans le casting ou la réalisation qui font le film, mais le film qui se soutient de lui-même.

Enfin, George a le génie de revenir en arrière sur un seul point : la musique. Les années 1970 ont vu triompher des bandes originales plus intimistes, plus proches des œuvres qu’elles accompagnaient. Mais Star Wars est un space opera. Il y aura donc de la grande musique. Et John Williams compose pour ces trois films, la partition la plus célèbre de l’histoire du 7ème art, avec un thème devenu légendaire, mythique.

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Maître John à l’ouvrage

Star Wars, une œuvre universelle ?

Chris Taylor, avait rapporté une anecdote particulièrement éloquente sur la portée de La Guerre des étoiles dans l’imaginaire collectif. A l’occasion d’un travail de recherche sur l’impact de l’œuvre dans la société américaine, il s’était mis en quête d’une personne n’ayant jamais entendu parlé de la trilogie. Un vieil indien Navajo perdu dans le désert d’Arizona allait lui prouver que c’était possible. Mais il avoua avoir aperçu des « grands oiseaux sauvages » un jour, sur un écran de télévision. Des X-Wing !

La première inspiration évidente du récit est à retrouver du côté des mythologies antiques. On devine les grandes batailles de l’Illiade, autour des figures des princesses, de l’honneur guerrier et des victoires militaires acquises par la ruse. On saisit immédiatement l’importance que revêt le mythe d’Œdipe, et toutes ses implications psychologiques freudiennes, dans la relation que Luke entretient avec son père. On pense aussi au manichéisme et à la lutte entre le bien et le mal, structurante du dualisme de la Force.

"Luke, le Père Noël n'existe pas !"
« Luke, le Père Noël n’existe pas ! »

La Force est une articulation entre des principes bouddhistes et taoïstes. Elle fait appel à l’antagonisme entre la lumière et l’obscur. Mais elle est aussi le principe atomique dans lequel évolue les personnages : Yoda démontre combien maîtriser la Force pour un Jedi, c’est avant tout ne faire qu’un avec son environnement. La symbiose avec la nature mais aussi des règles très strictes dans le mode de vie et l’art de faire la guerre sont des héritages évidents des philosophies asiatiques. Les Jedis sont souvent comparés, de par leur attitude, aux Samouraïs et à leur mythique code du combat.

Plus globalement, la trilogie Star Wars parle un peu à tous grâce à son univers et son iconisme. Comme le dit l’introduction, on doit oublier toute forme de référentiel terrestre et contemporain pour saisir ce qui se passe. Détaché de l’obligation de crédibilité, le récit peut aller dans la direction qu’il souhaite et on peut difficilement lui reprocher d’avoir un parti-pris politique ou religieux même si le symbolisme des couleurs laisse entrevoir une critique en creux des totalitarismes européens.

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Que la Force soit avec vous !

La trilogie Star Wars est une œuvre hors du temps. Une alchimie étrange entre un univers puissant, des thématiques qui prennent aux trippes et une incroyable capacité à écrire des histoires. Et si les suites, les dérivés, les préquels se succèdent encore aujourd’hui pour explorer cette galaxie méconnue, c’est une brillante démonstration de la toute puissance du travail de George Lucas et ses équipes.

Les décennies passent et le temps ne semble pas vouloir éroder la capacité que Star Wars a à nous emporter. Mais pourquoi donc, nous qui grandissons dans une société autant irriguée par les idées rationalistes et qui faisons appel au cynisme de manière presque quotidienne, n’arrivons nous pas à détacher le regard de ces sabres lasers ou cesser de nous comporter de manière si puérile lorsque résonnent les premières notes du thème de John Williams ?

"On n'a pas l'air cons avec nos bottes d'équitation"
« On n’a pas l’air cons avec nos bottes d’équitation »

Parce que nous sommes et nous resterons des enfants. Qui n’aspirons qu’à nous évader. Qu’à nous plonger dans des univers inconnus. Star Wars fait appel à notre imaginaire et nous renvoie merveilleusement à ce qui anime viscéralement l’espèce humaine : le rêve. La trilogie de George Lucas est partie intégrante du patrimoine de l’humanité. Chaque minute de la plus grande œuvre cinématographique de tous les temps est une forme de communion avec ce qu’il y a de meilleur en nous. A tout jamais, merci !

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