La ligne rouge : l’autre enfer vert

1998. Il faut sauver le soldat Ryan sort sur les écrans. En cette fin de siècle, le grandiose film de guerre fait office de testament. Comme pour laisser une trace indélébile de l’horreur qui a marqué le plus grand conflit de l’histoire de l’humanité. On se dit alors que le cinéma de guerre a trouvé son chef d’œuvre ultime…

Mais quelques mois plus tard, et à la surprise générale, réapparaît un homme qui a révolutionné le cinéma en son temps et va bousculer nos certitudes.

Terrence Malick. Deux films à son actif. Deux merveilles. La balade sauvage et Les moissons du ciel. Depuis 1978, l’homme a disparu des radars et laisse penser que son génie a définitivement abandonné la caméra.

Mais ces vingt longues années n’ont pas été vaines. Malick a mis la main sur le roman de James Jones qui donnera son titre au film. Il ne reste plus qu’à l’adapter.

The Thin Red Line Elias Koteas

Guadalcanal en 1942. Le  début de la reconquête du Pacifique par les forces armées américaines. Objectif ultra stratégique pour l’aérodrome japonais qui s’y trouve, l’île est une sorte de paradis sur Terre, seulement occupé par quelques tribus mélanésiennes éparses.

Mais la beauté des lieux et la paix qui y règne ne pourront rien face au déchainement de violence à venir.

Avant Malick, beaucoup ont décrit l’héroïsme des soldats, quelques uns ont dit l’horreur des combats, mais aucun ne s’est attaqué au fond du problème : pourquoi ?

Pendant près de 2h50, c’est l’idée qui va sous-tendre le propos. Y a-t-il une cause à tout cela ? Car tous ces acharnés de la gâchette vont très vite trébucher sur l’absurde. L’absurde qui fait de l’Eden un enfer de bruit et de feu. Qui terrasse la nature sous les coups de mortier et laisse les hommes vidés de toute âme.

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La Ligne Rouge est une œuvre métaphysique qui ne se dit pas. Il y a dans cette démonstration mélancolique quelque chose de supérieur. Une volonté d’arracher les personnages à la condition qui les accable.

Beaucoup de sous-textes, de voies off, et une discussion permanente de la violence. Mais qui ne se perd pas dans une intellectualisation forcée du propos. Très probablement grâce à la performance éblouissante du casting XXL qui évolue à l’écran.

Sean Penn, Jim Caviezel, Nick Nolte, Elias Koteas, John Cusack, Ben Chaplin, John C. Reilly, Woody Harrelson, Jared Leto, John Travolta, George Clooney… Malick s’est même offert le luxe de sucrer les répliques d’Adrien Brody au point d’en faire un quasi figurant.

Mais une collection d’acteurs n’est rien sans une réalisation soignée. Le problème c’est qu’ici le mot est faible. Chaque plan est un cas d’école. La photographie d’un film n’a jamais aussi bien porté son nom. Mère Nature est représentée avec douceur, élégance, humilité. Comme pour sublimer ce que les desseins du Très Haut nous donnent à voir. Et même dans les instants de grande violence, Malick montre sa déférence à l’égard du monde qui l’entoure.

sean penn - thin red line.jpg

La lumière, les contrastes, toute la chromatique disponible, se mettent au service d’une image sublime, presque irréelle. Le témoignage merveilleux d’un principe pourtant simple : le cinéma est un art, rien de plus, rien de moins.

A la fin, il ne reste que l’image, le verbe et la musique. Ces chants mélanésiens qui parachèvent une œuvre presque divine et pourtant bien terrestre. Le paradoxe est là. Et nous simples mortels y avons assisté. Comme si une partie du grand mystère s’était dévoilée. Une partie seulement. Le reste appartient à Malick…

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